Que la journée était longue lorsque l'on voyageait vers l'horizon, sur des routes cahoteuses et escarpées. Que les secondes s'égrainaient lentement lorsque tous les paysages se ressemblaient, lorsque les discussions avec la grande sœur tournaient court faute d'arguments, faute de conversation peut-être aussi. Et puis, qu'avait-il à lui dire de plus pendant toute une journée alors qu'il la voyait toute l'année ? Sûrement lui crier sa joie de partir voir d'autres jeunes nobles malgré la pointe d'appréhension qui naissait. Étaient-ils donc tous plus âgés que lui ? Serait-il dans l'obligation de mentir sur son âge en espérant que sa grande sœur éviterait de gâcher tous ses plans -très mauvais calcul que celui ci au demeurant.
Il s'était habillé, bien habillé, avec les vêtements neufs que son père lui avait offert. Tous beaux, tous habilement décorés, tous taillés dans les plus riches tissus, comment pouvait-il en être autrement vu les possessions familiales ?
Sûrement cela serait-il un atout de taille pour les objectifs annexes qu'il recherchait inconsciemment -outre le principal de s'amuser, évidemment- : c'est à dire rencontrer les héritiers nobles, ceux avec qui il aurait probablement à passer toutes les rencontres mondaines de sa vie et bien évidemment les héritières ! On -son père surtout en fait- l'avait éduqué très tôt aux nécessités du mariage pour lui qui était héritier, il lui faudrait lier sa maison avec une autre bonne famille pour affermir sa position, il lui faudrait être promis avant sa majorité... Toutes ces questions le dépassaient très largement mais s'il avait à choisir, il prendrait une fille avec un bien joli minois, l'air enjoué et la voix cristalline. Que de beaux critères, n'est-ce pas ? Aujourd'hui ses sœurs étaient ses modèles bien qu'elles ne soient pas toujours joyeuses avec une bien jolie voix... Ellesya il ne la voyait que peu souvent et Esyllt lui criait bien trop dessus dès qu'il cherchait à s'amuser avec elle. Rabat-joie que celle-ci et ses histoires étranges de bateaux, de lettres et de princes charmants. Incompréhensible disais-je.
Une fois arrivé aux abords de la grande région du Vaunage, le garçon trépignait d'impatience. Il lui fallait sortir, se dégourdir les jambes, courir, montrer sa mine joyeuse et rieuse.
En conséquence, dès qu'il le put, il foula le sol de ses petites chausses -très glamour et sexy bien sûr- et scrutant sa grande sœur de ses yeux verts, il l'interpella de sa voix pressée et parfois un peu brouillonne :
Esyllt Esyllt ! On est arrivés hein ? c'est ici Cauvisson ? Pourquoi tu sors pas Esyllt ?
Une fois ceci fait et tout en préparant la prochaine salve de questions hasardeuses, Miguaël tourna sur lui même pour découvrir les alentours. Quel beau spectacle mais quel bruit étrange tout de même ! Il ne connaissait pas ce craquettement étrange, cette sonorité incongrue.
La colonie commençait rudement bien pour le louveteau, ses cheveux auburn dans le vent et son sourire habituel collé aux lèvres.