Ah, le Languedoc ! Ah, Cauvisson, le Vaunage ! Ah, les Volpilhat-Appérault ! Soupirs nostalgiques, sourires désœuvrés, œillades contemplatives... les prunelles d'azur se posent sur le décor à mesure qu'il progresse et les pensées peu à peu entament leur cavalcade.
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Ses rêveries s'interrompent quand le coche ralentit. La blonde héritière ose un coup d'oeil vers l'extérieur et ses fines lèvres s'étirent en un doux et discret sourire. Elle songe, encore, alors que l'attelage effectue un gracieux demi-cercle pour venir s'immobiliser au milieu de la cour. Et quand on vient lui ouvrir la porte, elle songe toujours et sa mine épanouie aurait sans doute donné un peu de baume au cœur au plus démuni des mendiants. Elle vient en paix. Avec elle-même et avec les autres.
Presque à regret, elle sort de ses pensées bienheureuses et dépose une main blanche et légère au creux de celle, puissante et nerveuse, qu'on lui tend. Ses boucles d'ambre sursautent sur ses épaules quand elle s'extrait de l'habitacle. Ses dix-sept printemps - elle aime à le rappeler, n'est-elle pas née aux aurores du printemps ? -, elle les porte joliment, avec une prude innocence ; virginale candeur de celle qui en a vu si peu, encore. Et pourtant, son sang bouillonne de colères refoulées, d'amitiés avortées ou de bonheur imparfaits. Et son âme éprouvée, son esprit perspicace , lui rappellent que ces jeunes années sont désormais loin, bien loin derrière elle. Le temps passe si vite, et la jeunesse avec.
Ses pieds foulent à nouveau le sol Calvissonais. Elle s'attend presque à voir Louis-Raphaël passer les portes du donjon pour venir l'accueillir à bras ouverts - enfin, à sa manière, timide et réservé. Mais non, pas cette fois. Les lieux appartiennent désormais à une petite rousse vive et surtout bien vivante.
L'Epine, on annonce. Et surtout, de quoi se repoudrer le nez, on demande. Parce que la route a été longue et que la demoiselle a besoin de repos, on conclut.
Et en fond visuel, une petite blonde qui n'en finit pas de sourire - tellement, que ça en deviendrait presque agaçant, en fait - et dont les grands yeux clairs vous font vaciller d'incertitude. Est-il possible qu'elle soit seule, là dedans, à les animer de façon aussi profonde ? Ils sont le reflet de ce que son apparente ingénuité dissimule le mieux possible : une force, une intensité, une détermination à vous ébranler les murs les plus solides.
Mais non non : ça ne sera pas ceux de Calvisson. Pas aujourd'hui. Elle vient en paix, on l'a déjà dit.